Lundi 30 Avril 2007, c'est un grand jour pour Défi Franck, car Chantal Baillon et moi-même Titifb allons nous attaquer aux pentes impitoyables du Géant de Provence : le Mont Ventoux !
Dominant du haut de ses 1.912 m toute la Provence, le Mont Ventoux est un site naturel d'exception, floristique et faunistique qui lui a valu d'être classé "Réserve de Biosphère" par l'U.N.E.S.C.O. Mais, nous n'irons pas là-bas pour faire du tourisme (dommage !), mais du sport !
Voilà le défi de Défi Franck :
La maison-mère de GELPAM, DUJARDIN, dont le siège est en Belgique a organisé une sorte de challenge pour ses cadres franco-belges. Il s'agit de monter par la route au Mont Ventoux au départ de Bédoin (300m d'altitude), avec une arrivée au sommet à 1909 m. Soit 21,5 km d'ascension, 1612 m de dénivelée. Pourcentage moyen : 7,5 %, pourcentage max : 11%...Ca fait rêver !
Sur les 14 employés qui ont répondu présents pour cette confrontation sportive et amicale entre membres d'une même société, seul Franck fera l'ascension en courant. Ses collègues ont préféré la petite reine...Nous, Chantal et moi, son coach, ne serons là que pour courir avec lui et le soutenir...moralement !
Michel-le-jardinier nous embarque dans le Berlingot au milieu des vélos et des sacs ; je trouve une place, assise sur une glacière ! Nous avons décidé de nous faire déposer au hameau Les Bruns à 700 m d'altitude. Il restera quand même 1200 m de dénivelée et 16,5 km... Il est près de 10 h, notre chauffeur nous abandonne.
Allez, courage Franck, y a qu'à suivre la route... Le problème, en partant des Bruns, c'est qu'on attaque directement en côte, sans échauffement...Si on avait couru depuis Bédoin, la montée aurait été plus progressive. Mais, 21,5 km et 1600 m + pour Franck, ça n'aurait pas été raisonnable.
Dès le début, c'est dur !
Equipés de petits sacs à dos contenant une poche à eau et deux gels, nous voici partis tous les 3. J'ouvre la route, les deux autres dans ma foulée. Mon Garmin m'indique 9 km/h : ça va pas durer..Chaque borne rencontrée nous avoue le pourcentage moyen qui nous attend sur le prochain kilo : réjouissant ! La température est idéale : ni trop chaud, ni trop froid et surtout : pas de vent d'annoncé au sommet et ça, c'est le plus appréciable. Parfois le vent y souffle dans toutes les directions, pouvant atteindre des pointes de 250 km à l'heure.
Au bout de 3 kilomètres j'accorde à ma petite troupe une pause-étirements. Les tendons et les mollets nous disent merci...Chantal profite de l'arrêt (après quelques étirements néanmoins), pour nous fausser compagnie : nous ne la reverrons plus avant le sommet. Elle monte à son rythme (qui va en impressionner beaucoup d'après les échos admiratifs reccueillis à l'arrivée par les cyclistes Belges).
Titifb Défi Franck et Chantal
A coeur vaillant, rien d'impossible !
Nous reprenons notre ascension en déroulant nos foulées sur le bord de la route, assez étroite par endroits. Ca n'est pas évident de courir, car, non seulement nous devons faire face à la déclivité, mais également, et ça c'est plus génant, au dévers ! La route n'est pas plate...Mes tendons s'en rendent bien compte. Pendant la 1ère heure de course, j'aurai la cheville en vrac...Je fais alterner course et marche à mon athlète qui transpire à grosses gouttes : on le suit à la trace ! Quand la pente est trop sévère, il vaut mieux marcher que courir, c'est plus économique sur le plan énergétique (à moins d'être très fort des quadriceps). D'ailleurs, il m'arrive de doubler des coureurs ou de rester à leur hauteur en marchant tandis qu'eux courent ! Mon Franck serre les dents (c'est moins facile pour respirer !) et avance d'un bon pas. Florilège des petits phrases et encouragements :
"Pense à boire ! Détends tes bras, souffle bien, regarde le paysage et rappelle-toi que tu es ici parce que tu le veux bien ! Accroche-toi, tu vas y arrviver ! C'est TON défi, Franck..." Je n'ai, bien sûr que peu de réponses de mon coéquipier. Parfois un oui, un non, au mieux un "Oui Coach !" Un an que Franck me parle de ce défi...c'est d'ailleurs à cause de lui qu'il a choisi son surnom de "Défi Franck" pour notre site communautaire de sport d'endurance Kikourou. Ca y est ! Le premier cycliste de l'équipe nous remonte : il s'agit de Hans, un coureur belge qui fait ses 35 000 km par an...presque un pro ! Au total, 6 cyclistes nous reprendrons...
Franck et Hans
Rencontre improbable !
Revenant de l'arrière, un coureur à pied nous remonte. C'est un Poitevin nommé Rachid, coach d'une équipe de filles qui est venu, lui aussi, défier le Ventoux. Nous ferons ensemble les 10 derniers kilomètres, chacun étant bien content d'avoir rencontré l'autre. Rachid a décidé de monter et de redescendre en courant (ouille !) le Géant de Provence. Je pense qu'il va avoir mal aux jambes pendant quelques jours, notre coureur des plaines. Mes encouragements changent désormais : "Allez les gars, on y est bientôt ! Plus que 600 m ...de dénivelée ! Oups...
FRANCK ET RACHID : drôle d'endoit pour une rencontre !
La tour à l'horizon, le sommet !
Nous alternons toujours la méthode du marcher/courir, et kilomètre, après kilomètre, lacet après lacet, nous finissons par apercevoir notre objectif. Il se rapproche. Euh à moins que ce soit nous qui nous en rapprochions..! La tour qui domine le sommet du Ventoux s'aperçoit de loin, mais elle comme l'horizon, elle recule au plus nous avançons ! Est-ce possible ? Les conditions climatiques semblent changer maintenant, et la fraîcheur nous assaille.Un léger vent se lève et le sommet se dérobe souvent à nos yeux inquiets. Pourvu que l'orage ne nous fasse pas payer notre impudence ! La tour joue à cache-cache avec les nuages qui courent (plus vite que nous !) dans le ciel. Le brouillard semble envelopper la fameuse station hertzienne du Mont-Ventoux qui a pour mission d'assurer le maintien en condition de fonctionnement optimal des réseaux hertziens, support de transmission dont la mise en oeuvre est confiée à l'Armée de l'Air. Le sommet du Mont-Ventoux, en effet est occupé par l'Armée de l'Air depuis la fin de la 2e guerre mondiale... avant d'être occupé par nous ! Il est 12 h losque Franck et Rachid lancent le sprint à cinquante mètres de l'arrivée. Sans prévenir ! Eh, oui, après les avoir encouragés pendant des 2 heures, ils n'hésitent pas à me brûler la politesse pour franchir les premiers la ligne d'arrivée, fictive, mais constituée des équipiers déjà présents ! Ah, les ingrats ! Je m'en rappellerai...
AU PIED DE LA TOUR HERTZIENNE
Nous croûlons sous les félicitations des uns et des autres, nous tombons dans les bras humides des cyclistes qui nous ont réservé une ovation digne d'une arrivée de marathon.
A peine le temps de savourer notre Défi relevé qu'il faut vite se changer : nous sommes trempés et il fait une température proche de zéro. D'habitude, par temps clair le panorama offert par le sommet est l'un des plus vastes d'Europe : sur le versant sud, derrière le plateau d'Albion et la montagne de Lure, le mont Viso balise la frontière italienne. Plus au sud, on aperçoit les gorges de la Nesques, le Luberon, la montagne Saint-Victoire, et l'étang de Berre. Oui, la vue s'étend jusqu'à la Méditerranée ! Le versant nord offre les grands sommets alpins, découvrant au passage la vallée du Rhône, les massifs des Cévennes et le Mont Aigoual avant d'atteindre les grandes montagnes autour du Mont Blanc ! Mais, toutes ses descriptions "touristico-géographiques" ne seront que des mots pour nous quand notre périmètres de vue est bien limité. Pour jouir d'un panorama pareil, il faudra revenir...
Au final Hans a terminé 1er cycliste dans un chrono qui laissera rêveur bien des adeptes de la petite reine : 1 h17 (de Bédoin). Pour un athlète du plat pays, l'ami Hans ne s'en sort pas si mal. Chantal, qui assure n'avoir pas forcé, avoue de son côté 1h46. Notre trio s'est accordé 2h08. Mais, l'important pour tous les 16 sportifs fut d'être arrivé au sommet, le chono n'était qu'anecdotique.
Bon, le meilleur est à venir (avenir ?) : la descente !
Lâchez les freins !
Nous enfourchons nos vélos et nous lançons, Chantal, Franck et moi dans la pente !
Quel plaisir intense d'être là. Quelle justification de notre souffrance, de nos doutes, de nos interrogations (qu'est-ce que je fais là ?) quand on ressent au fond de soi, ce sentiment de plénitude qui nous envahit lorsque nous avons fait quelque chose de difficile, quand nous avons dû repousser nos limites, tant physiques, que mentales. Je ne sais pas si ça nous rend plus fort ou meilleur, mais, j'ai la faiblesse de le croire. Oui, quand on ressent ce moment de jubilation, on se dit, j'ai eu raison de m'accrocher, raison de ne pas avoir baissé les bras. Raison de faire ce que je fais. Et même si on n'avait pas raison, qu'est-ce que ça pourrait faire ? Parfois, les gens me demandent : "Pourquoi courez-vous ?"; ce serait facile de répondre : "Pourquoi pas ?" Mais, je n'ai pas de réponse toute prête. Mais, trêve d'introspection ! Je descends en position de recherche de vitesse, le ventre posé sur la selle (à voir absolument !). Nous faisons une halte-restauration au chalet Reynard à 6,5 km du sommet.
Au menu, un filet très mignon ! Pour le dessert ? La suite de la descente folle !
Le chalet REYNARD
Chantal et moi étant en VTT, nous partons les premières : l'orage menace et des gouttes commencent à tomber. Mon pneu arrière est un slick usé, je l'avais oublié, lui non ! Dans un virage en épingle, il s'est rappelé à mon bon souvenir, et je me suis offert un dérapage non-contrôlé ! Heureusement pour mon matricule, aucune voiture ne surgit pour me réceptionner sur son capot ou son parebrise...Faut dire que j'ai abordé la coube avec un 60 km/h un peu optimiste ! Après cet avertissement sans frais, je me résoudrai à ralentir...Dommage, la vitesse, quelle ivresse ! Ouf ! Une fois de plus, je remercie ma bonne étoile. Je frôle souvent la correctionnelle dans les descentes à VTT. J'ai déjà failli tomber d'une falaise sur l'Ile d'Yeu en Vendée...Sans compter de multiples coups de chaud dans les Alpes : je suis incorrigible, je tiens ça de qui ?
Je me relève donc et attends Chantal, moins téméraire que moi. La montée, c'est pour elle, la descente, c'est pour moi ! Etrangement, personne ne nous rattrapera, et nous sommes très (trop) vite à Bédoin, où nous retrouvons la Titimobile bien sagement rangée sur le parking.
Franck arrive peu après, suivi de Jean-Bernard et du Berlingot que pilote Michel. Où sont les autres ? Ils ont décidé de poursuivre leur balade sur Sault. Ca ne nous paraît guère prudent, car de gros nuages noirs couvrent justement cette région. L'avenir nous apprendra que nous avions raison de nous inquiéter pour eux. Alors que nous serons nonchalamment installés à la terrasse d'un bistrot en train de siroter un petit café, savourant enfin notre réussite, Franck recevra un coup de fil lui demandant de venir récupérer quelques membres de l'équipe Dujardin ayant essuyé un orage assez violent...Nous le laissons aller porter assistance à ses collègues, prenons avec nous Michel (pour qu'il y ait plus de place dans le Berlingot !) et rentrons à Pierrelatte.
Ca, c'est une bonne journée, et ce défi de Franck au Ventoux, je m'en rappellerai longtemps...Mais, la prochaine fois, je voudrais courir l'intégrale, au départ de Bédoin...et par les sentiers peut-être !
Bravo Franck, tu n'as jamais autant mérité ton surnom : Défi Franck !
Toutes les photos sont là ! Les données GPS sont ici !